Une quarantaine d’experts, députés, fonctionnaires, collaborateurs et représentants d’intérêts ont répondu à son invitation pour évoquer les solutions au chômage dans les zones frontalières.
À peine 1% de la population active franchit une frontière pour travailler
Dans son introduction, j’ai rappelé que les travailleurs frontaliers ne représentent que 0.6% des actifs en Europe. Dans le même temps, le chômage dans l’UE frôle les 9%. L’évidence voudrait que, dans les régions frontalières, les gens puissent aller travailler dans le pays voisin si le chômage y est moins important. Malheureusement, cette mobilité reste trop marginale. Le constat est frappant entre l’Alsace et le Baden Wurtemberg : on compte 101 000 demandeurs d’emploi du côté français contre une pénurie de main-d’œuvre qualifiée du côté allemand où 5000 emplois ne sont pas pourvus.
Des obstacles pratiques, règlementaires et idéologiques
Les obstacles sont nombreux : la langue, la reconnaissance des qualifications professionnelles, les différences culturelles, les contraintes règlementaires, l’absence d’information et les œillères de certaines administrations.
Des blocages idéologiques persistent également. Pour certains, « emploi frontalier » est synonyme de « concurrence déloyale » entre travailleurs et de « dumping social. » Les abus liés au statut de travailleur détaché ont jeté l’opprobre sur la mobilité en Europe.
Enfin, pour ceux qui ont la chance d’avoir trouvé un travail de l’autre côté de la frontière, le combat n’est pas fini ! Une multitude de tracasseries administratives subsistent : le casse-tête des retraites, des impôts, des droits sociaux et récemment du rétablissement aléatoire des contrôles aux frontières au sein l’espace Schengen.
La mobilité comme opportunité
L’Union européenne ne pourra pas régler tous les problèmes car de nombreux obstacles restent du ressort des États-membres et des autorités locales. Mais si l’Europe parvient à faire changer les mentalités, pour que la mobilité ne soit plus considérée comme une menace mais bien comme une opportunité, elle aura montré son utilité pour lutter contre le chômage dans les zones frontalières.
L’eurodéputé belge Claude Rolin, ancien Secrétaire général de la Confédération des syndicats chrétiens (CSC) en Belgique et membre de la commission Emploi et Affaires sociales au Parlement européen, a fait part de son expérience syndicale.
Il a expliqué que les problèmes de transports étaient un frein majeur à la mobilité, citant le temps perdu dans les embouteillages entre la Belgique et le Luxembourg, et l’absence de coordination au-delà des frontières entre les services de transports publics et les entreprises privées. Pour lui, la langue est également un obstacle à la mobilité. Pour y remédier, Claude Rolin propose de renforcer l’apprentissage des langues à l’école mais aussi dans les entreprises.
Afin d’améliorer la reconnaissance des qualifications informelles, il a proposé également des parcours scolaire communs et de mieux mettre en avant le programme européen Erasmus + et sa déclinaison pour les apprentis. Pour lui, les pays devraient également travailler à une meilleure transférabilité des droits de retraites. Enfin, l’élu belge a insisté sur l’importance d’une véritable stratégie à l’échelle du territoire transfrontalier.
Ulrike Conrad, représentante auprès de l’UE du Ministère de l’éducation, de la jeunesse et des Sports du land du Baden Württemberg, a elle aussi insisté sur l’importance de l’apprentissage transfrontalier et a détaillé les partenariats mis en place par le Land allemand pour favoriser la mobilité des jeunes.
L’eurodéputé autrichien Heinz Becker a évoqué le programme EURES, dont il a négocié la réforme au Parlement européen, comme outil pour accompagner les travailleurs frontaliers. EURES est réseau européen de services de l’emploi qui vise à informer les demandeurs d’emploi des opportunités de travail en Europe et à les accompagner dans leurs démarches. L’élu autrichien a regretté que les autorités publiques ne communiquent pas plus autour des partenariats transfrontaliers. Pour Heinz Becker comme pour Claude Rolin, les partenaires sociaux doivent être mieux associés aux initiatives en faveur de l’emploi transfrontalier.
Enfin, les représentants de la Commission européenne ont présenté leurs actions pour améliorer la mobilité. Alina Mattisson Lax, membre de l’unité INTERREG de la Direction REGIO à la Commission européenne, a présenté l’étude que son unité mène actuellement sur les obstacles à la coopération transfrontalière. Parmi eux, une consultation publique a montré que les difficultés d’ordre administratif et légal représentent le principal frein, devant les barrières linguistiques, les difficultés d’accès ou les disparités économiques.
Jordi Curell Gotor, Directeur de la section « Labour Mobility » à la DG EMPL de la Commission européenne, a rappelé que la mobilité n’était pas une fin en soi mais qu’elle permettait une meilleure intégration des marchés de l’emploi et un meilleur appariement des besoins et des compétences. Il a présenté ensuite la révision en cours de la Directive européenne sur les travailleurs détachés, qui vise à limiter les écarts salariaux et la concurrence déloyale entre travailleurs européens sur un même lieu et pour une même tâche, en précisant qu’en 1996, les écarts de salaires dans l’Union étaient de 1 à 3, pour être aujourd’hui, avec l’élargissement, de 1 à 10